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Jean Claude DEVEZE, le 2 juillet 2015

POUR UN MOUVEMENT SOCIAL, CULTUREL ET CIVIQUE



Après les événements de janvier 2015, il ne suffit pas de défiler, de s'indigner, de défendre la liberté d'expression et d'appeler à la tolérance et au progrès pour redéfinir la France que nous voulons. Face aux risques de populisme, d'intégrisme, de repli nationaliste, nous avons besoin d'un mouvement qui mobilise nos énergies créatives et fraternelles pour exprimer ce qu'il y a de meilleur dans la vocation de notre pays et de son peuple ; ceci doit nous aider à dépasser nos clivages secondaires et nos intérêts à court terme pour se retrouver sur l'essentiel, sur ce qui donne sens à notre aventure commune en France et sur terre.

Une amorce de ce mouvement est le Pacte civique. Tel que conçu au départ, il est bien entendu civique, promouvant les délibérations porteuses de nouveaux équilibres pour dépasser nos différences et nos contradictions, nous incitant à nous impliquer individuellement et collectivement là où nous pouvons mettre en ?uvre ce à quoi nous croyons. Il est aussi social, porteur de la recherche de plus de lien et de responsabilité sociales et de la prise en compte des demandeurs d'emplois comme de ceux qui ont du mal à s'exprimer, à se faire comprendre et à trouver leur place dans notre société. Le champ politique de la protection de l'environnement étant plus du ressort du Pacte écologique, le Pacte civique s'est centré sur l'agir au jour le jour pour sauvegarder notre maison commune.

La promotion d'une culture rassemblant les français n'a pas jusqu'à maintenant été retenue comme une priorité du Pacte civique. Or le problème de renforcer notre culture collective qui nous permettra d'affronter les défis nous est posé de façon de plus en plus pressante, en particulier :
? suite au besoin de mieux définir notre identité française, et plus largement ce qu'est la France ;
? face aux difficultés de transmettre une culture française porteuse de sens à l'école, d'en faire respecter certains éléments clefs comme la laïcité, de maîtriser le bon usage de notre langue qui est notre premier outil pour favoriser les relations en vérité, etc. ;
? compte tenu d'un contexte international où notre appartenance à l'Union européenne n'est plus porteuse de dynamique commune, où les mouvements migratoires s'accentuent et où les difficultés de dialogue entre cultures s'accroissent, sans compter l'exacerbation des problèmes identitaires à la suite de la montée du terrorisme islamique ;
? du fait des apports et des contraintes liés au développement du monde numérique et des rapports différents avec les NTIC selon les générations et les couches sociales ;
? surtout du fait de la perte de repères pour affronter les repliements individualistes et les peurs comme les mutations en cours. La religion chrétienne n'occupe plus une place dominante, l'islam de France a du mal à trouver sa place compte tenu de ses divisions, les « lumières » constituent une référence qui s'affaiblit, l' « intégrisme républicain » est peu mobilisant...

Notre pacte doit être aussi culturel pour promouvoir l'émergence de sources d'inspiration comme l'expression d'identités partagées autour de repères communs, pour favoriser l'affirmation de pensées émancipatrices comme la recherche créative du bien commun et de la beauté depuis le local jusqu'au global.

Pour préciser l'importance de cette dimension culturelle, nous proposons de privilégier trois approches qui correspondent aux trois dimensions de la culture, à savoir civilisationnelles, éthiques et comportementales.

La culture, antidote aux guerres de civilisation


Daesh, mouvance opportuniste porteuse d'une violence destrucrice et d'asservissements fanatiques, ne sera jamais capable de générer une civilisation, car ce pseudo Etat ne réunit pas des gens civilisés partagant une culture qui génère des ?uvres communes, qui développe une éthique, qui permet de s'insérer dans un monde de relations ouvertes...On peut donc parler d'anticivilisation.

Mais notre civilisation occidentale n'est pas non plus en train de rayonner par l'exemple qu'elle donne : société de consommation produisant plus de quantité que de qualité et plus de laideur que de beauté, discours éthique trop souvent en contradiction avec nos actes, baisse de la civilité, pratique moins rigoureuse de notre langue, dénis multiples de notre idéal démocratique, attention dispersée ne pemettant pas l'approfondissement des faits et des idées, etc. Cette amorce de décadence peut conduire à parler de décivilisation, expression proposée par Alain Caillé.
C'est pourquoi il est important de reconsidérer notre façon de nous cultiver, de nous civiliser, de trouver nos repères, de rendre cohérent nos comportements et nos politiques avec les valeurs affichées par l'occident. Dans une période qui multiplie les tentations comme celles de s'affilier à des mouvements sectaires, de se contenter d'un individualisme libertaire, de se rassembler pour pratiquer des violences vengeresses (par exemple Daesh qui s'en prend à l'occident, aux juifs, aux chrétiens, aux chiites, aux femmes...), la culture peut constituer le meilleur antidote si elle est épanouissante, porteuse du bien être et bien vivre commun (et donc de plus de civilité), génératrice d'un mouvement créatif ayant du sens.

La culture, voie pour la recherche de sens


La question redoutable qui nous est posée est celle de ce qui donne sens à nos vies personnelles et collectives. Pour y répondre, chacun de nous dispose de son chemin sur terre où il doit en vérité articuler transformation personnelle, relation à autrui et démarches collectives. Ceci nous renvoie aux repères que nous propose notre culture française, aux valeurs républicaines, au récit national, aux héros et aux saints qui ont jalonné notre histoire, aux auteurs qui ont exprimés le mieux notre identité, aux ?uvres issues du génie de notre peuple, etc. Ceci nous demande de réfléchir aux réalités actuelles pour les affronter, de rechercher une vision commune et de discerner la façon de la mettre en ?uvre avec nos concitoyens. Ceci nous renvoie aux sources de sens pour inspirer notre vie quotidienne comme notre pouvoir d'agir pour inventer un futur souhaitable pour tous.

La culture, fondement de nos comportements


Une culture se traduit chaque jour par des comportements, des habitudes et des coutumes, par exemple en matière d'alimentation, de vêtement, etc. Mais aussi la culture inspire nos relations avec autrui et en particulier notre civilité.

Ce qui est important pour notre sujet, c'est en quoi notre culture et nos comportements en société peuvent s'enrichir ensemble, d'où l'importance de nos implications pour rendre notre société à la fois plus conviviale, plus démocratique et plus fraternelle. Un des points importants à suivre est donc l'évolution de nos comportements dans toutes nos communautés, depuis la base (famille, quartier, associations locales, petites entreprises, communautés religieuses ou liées à des courants de pensée...) jusqu'aux organisations à dimension nationale ou internationale. C'est là en premier lieu où doit s'incarner et se développer la dimension fraternelle qui exprime l'humanité de nos comportements.

Pour générer un mouvement social, culturel et civique qui contribue à affronter les mutations en cours et à conduire les transitions, il faut réunir un certain nombre de conditions comme les suivantes :
- disposer d'une plateforme ou d'un appel ou d'un pacte (social, culturel et civique) qui soit à la fois pertinent, clair et motivant ;
- approfondir et clarifier les dimensions culturelles, anthropologiques, écologiques et politiques du mouvement pour favoriser les prises de conscience et les remises en question indispensables à une convergence des énergies dans la durée ;
- trouver des relais dans toutes les couches de la société pour qu'un projet commun soit l'expression du meilleur de notre pays et pour qu'il bénéficie des messagers et des réseaux nécessaires (culturels, médiatiques, politiques...) ; c'est ce qui doit permettre d'édifier une société civique ;
- créer une dynamique suffisante autour de ce projet commun pour faire masse ;
- susciter et valoriser les initiatives et les coopérations incarnant les objectifs du mouvement ;
- être en veille sur ce qui advient, ouvert sur l'universel, soucieux de la sauvegarde et de l'embellissement de nos « maisons communes ».

De nombreuses tentatives en cours (Pacte civique, EGPC, collectif de la transition, mouvement convivialiste, Esprit civique, ...) peuvent constituer l'amorce de ce mouvement. Pour le moment, ces initiatives n'arrivent pas à peser dans le débat public en rassemblant tous ceux qui, sans préjugés, sans instrumentalisation, s'impliquent pour le bien commun. Ces démarches courageuses sont confrontées au climat défaitiste qui envahit notre pays et une partie de l'Europe. Elles bénéficient de peu de soutiens, en particulier de la part des médias, et de peu d'écoute de la part du monde politique.

Construire ce mouvement social, culturel et civique avec l'ensemble du peuple requiert des transformations à la fois des personnes, de nos organisations et de notre monde politique. Les personnes doivent dépasser leur individualisme pour faire communauté, d'où l'importance de tous les groupes et associations qui partagent des objectifs communs et qui les conduisent dans un climat fraternel ; les organisations doivent prendre en compte les interdépendances pour coopérer et pour édifier la société civique ; le monde politique doit ?uvrer avec les citoyens sans jamais oublier qu'il est à leur service.

La volonté des personnes de se cultiver pour comprendre le monde qui les entoure et y agir en connaissance de cause, le civisme des citoyens et la volonté des acteurs individuels et collectifs d'inscrire leur action dans une perspective de changement du rapport au pouvoir sont les fondements d'un tel mouvement qui devrait contribuer à redéfinir ce qu'est une démocratie de qualité ; la mettre en ?uvre devrait peu à peu renforcer la cohésion de notre communauté nationale.

En ce qui concerne nos organisations conscientes de l'importance de l'implication civique et du rôle du politique, il est proposé :
- de choisir des domaines à approfondir pour agir ensemble (par exemple une fraternité incarnée, une résistance aux dérives financières et consommatrices, une éducation au savoir-être et à la non violence, une écologie intégrale...) ;
- de mobiliser des ressources humaines et financière pour promouvoir et valoriser les initiatives à portée civique et pour faire converger les organisations capables de générer des mouvements sociaux, culturels et civiques ;
- de faire une priorité de l'éducation au civisme de tous et de chacun tout au long de la vie ;
- de trouver parmi nous les prophètes, les leaders, les médiateurs, les animateurs, etc., capables de travailler dans la durée à faire émerger cette société civique.

A nous d'inventer et de construire la France que nous voulons en s'appuyant sur notre créativité, en recherchant plus de justice et de sobriété, en incarnant notre aspiration à plus de fraternité.

Si on sait ce qu?est la France et ce qu'elle veut, on peut croire en la politique ;
si on sait coopérer avec les autres, on peut construire notre société ;
si on sait pour quoi nous vivons, on peut donner du sens à notre culture.

MERCI d'adresser vos réactions / remarques.... à http://www.pacte-civique.org rubrique contact, en haut, à droite.