Compte rendu des EGR 4


JC Devèze, avec compléments Pierre Guilhaume, le 6 février 2013

Le Pacte civique aux EGR4 à Grenoble les 1 et 2 février 2013


Rappel sur les EGR

Le Pacte civique est présent aux EGR (États généraux du renouveau, puis de la république) depuis leur lancement par Libération et la ville de Grenoble.
Les EGR1, en juin 2010, nous avaient permis de présenter le Pacte civique, avec ses engagements, pour la première fois en public, ce qui nous avait conduit à préparer des documents, et mettre en débat nos idées sur la fiscalité.
Aux EGR2, fin janvier 2011, nous avions coopéré avec d'autres organisations (Colibris, TP/TS, Dialogue en Humanité, la fondation Copernic, ADELS, etc.) et avec des responsables politiques et de la société civile ; cela avait permis de débattre avec une cinquantaine de citoyens durant une journée, sur la façon de promouvoir la qualité démocratique. Nous avions aussi organisé une rencontre autour du Pacte civique réunissant une quarantaine de personnes.
Aux EGR3, le 26 janvier 2012, la veille de l'ouverture officielle, nous avions organisé un forum civique avec le collectif Isère du Pacte civique et avec les Colibris. Nous étions environ 130 personnes à chercher comment coconstruire localement le vivre ensemble. Nous étions 150 le lendemain dans le petit théâtre à l'atelier du Pacte civique que j'animais dans le cadre d'une première étape de notre caravane de la laïcité; Dounai Bouzar et JM Haton y ont débattu de « comment décider face à la diversité des convictions ? ».

Ces trois premiers EGR avaient été utiles pour le Pacte civique dans les domaines suivants :
? coopération avec des organisations du PC ou proches de lui pour échanger sur les sujets abordés en fonction de nos priorités;
? appui au lancement du collectif local PC de Grenoble et occasion de contact entre membres du PC présent ;
? communication pour faire connaître le PC.

Résultats des EGR4 pour le Pacte civique

Le PC a été présent aux EGR4 en mobilisant moins d'énergie que les autres années, d'où des résultats modestes.
L'atelier Pacte civique du samedi 2 février de 14H30 à 16H10, intitulé « un nouveau modèle d'intégration pour des jeunes issus de l'immigration ? », s'est déroulé dans le petit théâtre qui était presque complet (250 personnes). Les prestations de JC Sommaire et de Tareq Oubrou, très complémentaires, ainsi que le débat, ont été de très bonne qualité (voir annexe 1). Le relais médiatique sur Libé a été réduit, se limitant au site (voir site internet EGR Libé, nos articles préalables aux EGR étant à la fin, soit JC Sommaire page 4 et JCD page 5).

Le Collectif local Isère avait organisé un débat le 31 janvier au soir avec École de la paix sur l'éducation à la non violence qui a réuni une centaine de personnes.

Une rencontre trop rapide, troublée par un orchestre de jeunes couvrant nos échanges, a permis de se retrouver entre quelques adhérents du PC une heure à la MC2 à 18H le 1 février.

Impressions après deux jours de débat sur « Partout en Europe, jeunes, débattez-vous »

Les EGR4 étaient moins ambitieux que lesEGR3 : deux jours au lieu de deux et demi, moins d'ateliers (35 au lieu de 65), moins d'enjeux liés à l'actualité politique (les EGR3 précédaient la présidentielle). Ils n'ont mobilisé que 8 000 personnes, à comparer aux 20 000 de l'an dernier. Dans le public et à la tribune des ateliers, il y avait des jeunes, surtout des « intégrés » et des « indépendants », mais pas des jeunes en rupture, car ils ne fréquentent pas la MC2 (voir dans le supplément de Libé l'intéressant sondage Viavoice sur 1004 jeunes de 18 à 25 ans).

Dans l'ensemble, les débats ont été jugés très intéressants. Voici quelques paroles de jeunes dans divers ateliers :
? on attend qu'on nous aide à apprendre la vie ; il ne faut pas nous obliger à choisir trop tôt une orientation professionnelle ; et si on instituait une année de lycée supplémentaire, au cours de laquelle nous pourrions nous « balader » d?un enseignement à l?autre, d?un métier à l?autre ? (quelle école idéale pour l'Europe?)
? les formations citoyennes nous ont permis d'échanger et d'acquérir des repères ; « la formation citoyenne, on l'a tout le temps » (service civique pour tous) ;
? « on bidouille » comme on peut, on s'infiltre là où on a des possibilités (par exemple on prolonge des études faute d'emploi pour réaliser des stages), on est pris entre des règlements qu'on essaie de détourner et entre une vie familiale qu'il est difficile de quitter (et si on pensait la parité générationnelle)

Les différentes tables rondes n?avaient pas pour objet d?élaborer une politique globale de la jeunesse ; elles ont néanmoins apporté des éclairages intéressants, comme les suivants :
? l?exemple du Royaume Uni sous Cameron montre que, pour critiquables qu?ils soient, les différents dispositifs anti-chômage des jeunes valent beaucoup mieux que le laisser-faire complet (quelles perspectives pour les jeunes des zones urbaines sensibles en Europe ?)
? une des clés des problèmes rencontrés dans les quartiers défavorisés (insécurité, violence, etc.) est la mixité sociale, le mélange géographique de populations d?origines et de revenus différents (quelles perspectives pour les jeunes des zones urbaines sensibles en Europe ?)
? l?association ANJE a fait la preuve, en particulier au Val Fourré, que des jeunes issus des quartiers défavorisés pouvaient s?avérer des créateurs d?entreprise talentueux, pour peu qu?ils soient accompagnés de manière adaptée (que fait l?Europe face à l?emploi des jeunes ?)
? terrible constatation du blocage de notre système éducatif, irréformable même lorsque l?on sait à peu près ce qu?il faudrait faire ! (quelle école idéale pour l'Europe?)
? 50% des Français ont peur des jeunes, surtout si on les enferme dans les caricatures qu?en dessinent les médias. Valorisons leurs initiatives, favorisons leur expression dans des médias communs à toutes les générations, plutôt que de créer des supports « spécial jeunes », qui souvent les prennent pour des ignares et ne stimulent pas leur intelligence (les médias s?intéressent-ils aux jeunes ?)
? le réseau national des juniors associations aident celles-ci à se créer et les accompagnent compte tenu de leurs demandes (et si on pensait la parité générationnelle).
Leçons 2013 sur l'intérêt des EGR pour le Pacte civique

On retrouve les mêmes points forts que les autres années, mais aussi les mêmes limites : manque de projet éditorial clair de Libé donnant un fil conducteur à l?événement (seul le secteur développement de Libé est concerné, et pas l'ensemble de la rédaction) ; faible implication de l'ensemble de l'équipe municipale de la ville de Grenoble ; incapacité des associations, fondations et think tank organisant des débats de coopérer entre eux (sauf cas particuliers, comme Unis Cités, Ligue de l'enseignement et Animafac pour le débat avec Martin Hisch sur le service civique pour tous).

A titre personnel, j'ai été déçu par le peu de répondant des organisations jeunes adhérentes au PC à s'investir avec moi pour faire des propositions originales pour ces EGR ; seule Maelis à Nancy était prête à s'impliquer, mais cela n'intéressait pas Libé. Les efforts de Claude Henry pour faire coopérer associations, fondations et think tank n'ont pas non plus été suivis de beaucoup d'effets.

Cette quatrième participation me conduit à tirer des conclusions générales à ce stade :
? mieux vaut être présent à ce type de rencontre, mais en proportionnant nos efforts aux résultats escomptables (il n'est pas certain qu'il y aura des EGR5) ;
? il est très difficile au Pacte civique d'être visible dans ce type de manifestation si on ne mobilise pas des personnes très connues pour les débats et les ateliers qu'on organise ;
? les divers contacts pris dans ces occasions peuvent être très utiles pour la suite.

Enfin il serait important pour le Pacte civique de se mobiliser à nouveau sur le thème « citoyenneté, diversité, laïcité »(voir joint en annexe 2 la fiche repère actualisée à cette occasion) et sur les problèmes d'intégration et d'immigration.

PS Une fois de plus, Libération et le Dauphiné ont rendu compte des EGR de façon sommaire et même contestable pour ce second journal. A titre d'exemple, dans le Dauphiné du 2 février, rendant compte du débat sur « diversité et parité au c?ur du changement » entre le footballeur Lilian Thuram et l'historien Pascal Blanchard, la journaliste commente le « match » de la façon suivante : « C'est avec le public, et c'est surtout avec l'intervention farouchement anti-parité d'une jeune fille que le ton montera. Enfin, un peu ». On espère des échanges musclés qu'on peut répercuter pour faire du buzz !


Annexe 1
Intégration et immigration : le modèle français en panne
4 février 2013 à 17:42

FORUM DE GRENOBLE Pourquoi la crise du modèle d?intégration français s?aggrave-t-elle ? Tareq Oubrou, imam médiatisé de Bordeaux et Jean-Claude Sommaire, ancien secrétaire général du Haut conseil à l?intégration, ont tenté, sans langue de bois, d?apporter une réponse.
Par AMANDINE BOURGOIN (texte) et CLÉMENT ROBIN (son), étudiants à l'Ecole de journalisme de Grenoble
«L?intégration des jeunes issus de l?immigration est une question sensible, un débat difficile qui fait polémique». Dès le début, le ton est donné. Le débat sera, à défaut d?être houleux, délicat. Pourtant c?est sans détour et sans crainte du politiquement incorrect que Jean-Claude Sommaire et Tareq Oubrou ont abordé le modèle d?intégration français.
Un modèle qui, pour Jean-Claude Sommaire, «n?a jamais véritablement existé. Les vagues d?immigration plus anciennes se sont intégrées selon des caractéristiques qui leur sont propres. Seul point commun entre elles, leurs enfants ont oublié leurs racines et se sont intégrés et assimilés à la République. Ce qui n?est pas le cas pour les jeunes d?origine maghrébine et africaine sub-saharienne que nous ne parvenons plus à intégrer socialement».
Trouver des solutions au niveau local
Selon un sondage Libération, 25 % des jeunes interrogés se sentiraient ainsi en rupture avec la société. Souvent victimes de discriminations, confrontés à une islamisation de plus en plus présente et enfermés dans un contexte social et économique difficile, ces jeunes n?auraient d?autre choix que le repli communautaire.
«Dans ces quartiers, le nombre de musulmans n?est pas croissant, c?est la visibilité musulmane qui est croissante. Les femmes portent le voile, les magasins halal se multiplient. Ce qui encourage les amalgames», constate l?ancien secrétaire général du Haut conseil à l?intégration. Pour lui, seule une intervention renforcée et réformée des pouvoirs locaux et des associations de quartier pourra contrer la montée des violences, la délinquance, et enrayer ce communautarisme.
Concilier islam et société française
Du côté de Tareq Oubrou, c?est l?échec scolaire et l?exclusion de la communauté musulmane qui ont renforcé le communautarisme, auquel s?est vite greffé «une religiosité accrue et détournée». La religion et le Coran deviendraient alors pour ces jeunes une sorte de «bouclier de protection», un refuge où trouver les solutions à leurs malheurs. Quitte à multiplier les mauvaises interprétations.
Mais au-delà de la méconnaissance de l?islam, c?est la notion même de laïcité et la relation qu?entretient la société française avec la religion que l?imam de Bordeaux veut montrer du doigt. «Historiquement, la laïcité n?est pas anti-religieuse. Elle permet l?expression publique de sa foi. Mais aujourd?hui, il y a une véritable schizophrénie entre ce que dit le droit et la réalité. C?est devenu normal de voir la religion musulmane comme un danger, alors qu?elle est de plus en plus amenée à s?adapter à la civilisation et à la culture occidentale».
Annexe 2 :Fiche repère Pacte civique : Coconstruire le vivre ensemble dans les quartiers menacés de fracture (mars 2011, revu JCD février 2013)
POURQUOI ?
La citoyenneté française a été fondée sur l?idée qu?elle portait les valeurs culturelles de l?universalité et que les nouveaux arrivants adoptaient progressivement la culture française en abandonnant leur propre culture d?origine pour s'assimiler. Cette attitude, possible lorsque le modèle français était considéré comme le symbole de la liberté et les migrants étaient en majorité européens, ne l?est plus actuellement ; cette situation est particulièrement mal ressentie par les descendants de migrants non européens qui sont légalement français, mais souvent n?ont pas l?impression d?être reconnus dans les faits comme tels. Elle est d?autant plus mal ressentie qu?un discours « langue de bois » fait comme si le problème n?existait pas. Par ailleurs des images schématiques ou caricaturales sur l?Islam peuvent accentuer fortement le malaise. Cette situation, source de tensions et de violences, entraîne des phénomènes graves de ghettoïsation et plus généralement de fragmentation et désintégration,de la société dont il est indispensable de se préoccuper.
OBJECTIFS PORTEURS DE SENS
1 La double reconnaissance de l?autre dans son identité et dans sa spécificité. Cela demande un effort de la part de chaque citoyen, quelle que soit son origine, en prenant en compte divers aspects :
 Le rôle de l?histoire (histoire coloniale, celle de la libération de la femme, etc.).
 Les différences culturelles, en lien avec l?existence de communautés multiples d?appartenance qui ne sont pas communautarisme
 La spécificité des diverses religions et des différents courants humanistes
 Les valeurs communes auxquelles ils se réfèrent
2 La lutte contre les discriminations Celles-ci relèvent de comportemens très variés, depuis le délit de faciès jusqu'aux discriminations à l?embauche.
3 La prévention et la sécurité. Tout citoyen ayant droit à la sécurité, chacun sait que cela passe à la fois par des actions préventives et des actions répressives. On ne peut opposer les deux.Cela passe aussi par un sentiment d?appartenance à un territoire et donc d?appropriation collective (d'où par exemple les tensions avec des jeunes s?appropriant une entrée d?immeuble).
4 L?ouverture du dialogue. Groupes de paroles ou espaces de dialogue ou thérapie sociale. Parmi ces dialogues, il faut privilégier notamment :
? ceux qui concernent les femmes ou les jeunes
? ceux qui concernent l?école et la transmission de valeurs entre les générations.
ENGAGEMENTS INDIVIDUELS ET COLLECTIFS PROPOSES
L?exemple de La Villeneuve de Grenoble montre bien qu?un projet doit, pour réussir, associer les habitants dans leur diversité et s'appuyer sur une articulation des politiques au niveau local avec une politique nationale qui s?inscrit dans la durée, quelles que soient les échéances électorales.
Les engagements individuels et collectifs porteront plus particulièrement sur l?ouverture aux dialogues en mettant l?accent sur les valeurs que les parents souhaitent transmettre à leurs enfants, en associant cette action à une action au niveau de l?école qui doit mieux coopérer avec les parents.
DEMANDES AUX ELUS
Les demandes adressées aux élus concernent d'abord leur implication dans la lutte contre les discriminations, notamment au niveau de l?emploi et de la formation, et dans l'amélioration des relations entre les jeunes et la police.
Ce travail définit certains thèmes prioritaires dans le cadre de la prévention de la délinquance
1- Travailler la question « communautaire » en la distinguant du « communautarisme »
2- Construire une politique d?« accommodements raisonnables » à la française
3- Reconnaître le fait religieux comme facteur d?intégration
4- Ouvrir une réflexion sans tabou sur la problématique de la « mixité sociale »
5- Rééquilibrer la politique de la ville en faveur des actions de développement social par rapport à celles sur le bâti (s?intéresser plus aux personnes et moins au béton)
6- Aborder de front la question de la surdélinquance des jeunes d?origine maghrébine et africaine sub-saharienne
7- Ouvrir une réflexion sans tabou sur les relations entre la police et les minorités ethniques.