Patrick Viveret en coopération avec JCD, PG, BF, JBF le 16 MAI 2013, version 9

Cette proposition de plateforme fait suite à la rencontre le 30 avril 2013 d'une délégation du Pacte civique et de Jean-Marc Ayrault. Le premier ministre étant intéressé à notre proposition de conférence citoyenne créativité-justice-fraternité, le collectif Pacte civique met en débat le texte qui suit destiné à faire converger diverses initiatives de la société civile permettant de mobiliser les citoyens.

Plateforme coopérative pour mobiliser les forces vives de notre société


  • Une démarche réunissant nos forces créatrices


Un mal ronge notre pays et stérilise ses potentialités créatrices. Ce mal se nomme la défiance. Il résulte des difficultés de la sphère politique et de la société civile à inscrire leur action dans une vision d?avenir capable de mobiliser les français. Il se nourrit du sentiment d'injustice qu'alimente le spectacle d'une catégorie de privilégiés qui se croient au-dessus des lois au moment où l'on demande à chacun efforts et sacrifices. Il conduit à un dialogue de sourds entre l'univers de l'entreprise et de la sphère privée qui se méfie de la bureaucratie ou du corporatisme de la sphère publique, laquelle se méfie au nom de l'exigence de justice des dérives inégalitaires de la sphère privée. Chacun argue des dérives des autres pour justifier les siennes propres. Il est temps d'inverser cette logique de défiance qui peut conduire notre pays vers des régressions autoritaires et xénophobes et vers des dérives irresponsables surfant sur la colère et le sentiment d'injustice. Il s'agit de réunir nos forces créatrices pour surmonter les tentations de démissions et/ou de divisions factices.

Cet enjeu est celui de la France, mais il constitue désormais aussi un défi majeur pour une Europe qui risque de voir la défiance monter de toutes parts à son encontre. Ce sont les valeurs cardinales sur lesquelles s'est reconstruite l'Europe et singulièrement la paix et la démocratie qui sont aujourd'hui menacées. On sait comment dans les années trente la destruction des classes moyennes a pu faire le lit du fascisme. Un processus de même nature pourrait être à l'?uvre aujourd'hui à travers le creusement d' inégalités entretenues par une tolérance insupportable à l'égard d'une fraude fiscale récemment évaluée par le commissaire européen Michel Barnier à 1000 milliards d'euros, fraude largement facilitée par l'existence de paradis fiscaux dont plusieurs sont européens ou liés à l'Europe.

Il est temps de nous ressaisir et ce sursaut doit venir du c?ur même des forces vives de notre société en montrant que l'on peut conjuguer les exigences de créativité, de justice, de sobriété et de fraternité en combattant les dérives de l'inégalité et du corporatisme. Il faut faire rimer créativité et coopération, liberté et responsabilité, égale dignité et convivialité, justice et fraternité. Il suffit de constater l'ampleur et la fécondité des initiatives de toute nature portées aussi bien par des entreprises que par des associations ou des collectivités territoriales. Mais il faut pouvoir relier et rendre pleinement visibles ces initiatives en les inscrivant dans une démarche collaborative commune. Il faut aussi savoir traiter les différences, voire les divergences, comme des opportunités à travers une mutation qualitative de notre démocratie.

Une coconstruction du local au global : la France terre en transition !


  • Il ne sera pas possible de dépasser les blocages actuels pour réagir aux crises, dérives et fractures si les acteurs politiques comme ceux de la société civile ne contribuent pas à coconstruire un avenir désirable pour tous depuis le local jusqu'au global. Nous avons besoin de mener une transition qui soit à la hauteur des mutations profondes nécessaires et qui permette de conjuguer soutenabilité écologique, justice sociale et qualité démocratique. Il faut nous inspirer des méthodes initiées par les villes et les territoires en transition afin de les inscrire dans un projet plus ambitieux encore : faire de la France un territoire en transition au service d'une Europe et d'un monde en marche vers des sociétés du "bien vivre" et non du "beaucoup avoir".

Face à la gravité de la situation dans notre pays comme en Europe, les signataires de cette plateforme appellent à engager une démarche de mobilisation sans exclusive de toutes les intelligences et les bonnes volontés de la société française pour faire face aux grands défis actuels en créant une société toujours plus juste, plus sobre et plus fraternelle.

Ils proposent d'organiser une vaste consultation pour définir le futur que nous souhaitons et pour proposer des voies et moyens pour y parvenir, et à cet effet de lancer des conférences-débats décentralisées « créativité-justice-fraternité ». Cette opération sera menée sur le terrain avec l'appui de divers réseaux (CESR, e-démocratie, collectifs et organisations locales, conseils de développement, chambrés régionales de l?ESS et toute institution à forte représentation de la société civile, médias locaux...), puis donnera lieu à des processus de remontée et de synthèse avec l'appui du CESE et des médias nationaux. Des méthodes seront mises en place pour traiter les désaccords tout au long du processus.

Une fois élaborées les propositions de la société civile et identifiés les domaines sur lesquels existent des divergences, les résultats du processus seront présentés au gouvernement et aux deux chambres afin d'en débattre. Un contrat sera ensuite passé avec les institutions de la République et le gouvernement afin que les propositions retenues soient intégrées aux politiques publiques. Le principe de ce processus démocratique est que rien ne devra être perdu de la richesse ainsi générée : en cas de refus d?intégration de certaines propositions et projets dans les politiques publiques, les raisons de ce désaccord devront être clairement formulées et les propositions non retenues iront enrichir une banque de données des débats, expérimentations ou projets qui peuvent se révéler pertinents à moyen terme. L?ensemble du processus devrait être ainsi une expérimentation en actes de l?approche "qualité démocratique", approche qui s'intéresse autant à la qualité des débats et à la richesse des élaborations collectives qu?à la pertinence des solutions proposées.

  • Des règles du jeu


Dans cet esprit, un certain nombre de règles communes doivent être fixées et constituer une condition de participation à cette initiative ; ce sont les règles de base d'un débat ouvert (liberté de propos, bienveillance, écoute et respect, égalité de tous dans la recherche de solutions, etc.), appelant donc chaque acteur à des changements de posture :
- accepter de "bouger", de changer son point de vue, de faire évoluer ses idées, de s'investir personnellement dans la recherche de solutions partagées ;
- s'agissant d'une coconstruction, ne pas utiliser les différents lieux de concertation comme tribunes pour faire passer ses idées ou les thèses de l'organisation (éventuelle) à laquelle il appartient;
- rechercher la diversité des participants et privilégier l'expression de ceux qui habituellement s'expriment peu.

Les conférences citoyennes seront invités d'une part à s?emparer des sujets qui leur semblent les plus à même de recréer cette confiance dont nous avons besoin pour prendre à bras le corps la transition vers une société plus juste et plus fraternelle, d'autre part à réfléchir à certains thèmes communs, comme par exemple :

? Quelle France, Europe, Démocratie voulons-nous coconstruire ? Avec quel Etat ?
? Comment résorber de façon simultanée les trois dettes (financière, sociale, écologique) ?
? Comment retrouver des relations plus équilibrées entre compétitivité, emploi et qualité des temps de vie ?
? Quelles seraient les règles d?un contrat fiscal stable, juste et redistributif permettant de faire face aux besoins collectifs tout en prenant en compte l?environnement concurrentiel ?
? Comment les initiatives ayant montré leur pertinence pourraient trouver des partenaires ? appuis aux échelons de l?Etat les plus pertinents pour elles (principe de subsidiarité)